Nous sommes à nouveau à cette période de l’année : les enfants ont fait leur rentrée à l’école, les feuilles changent de couleur, et les traditions de l’Action de grâce et l’Halloween sont célébrées dans de nombreux foyers. C’est une saison imprégnée de croyances rituelles d’autrefois : rendre grâce pour une récolte abondante et conjurer les mauvais esprits en allumant des feux de joie et en portant des costumes. Bien que la signification de nombreux rituels ne soit pas leur principale raison d’être, il est utile de prendre un moment pour réfléchir à la façon dont les rituels nous aident dans notre vie quotidienne.
Les rituels aident les athlètes et peuvent vous aider aussi
Les psychologues du sport sont parmi les premiers à avoir étudié le pouvoir des rituels car ils s’invitaient sur le terrain, dans les vestiaires et sur les cours. De nombreux athlètes, pour certains aussi connus que le formidable joueur de tennis Rafael Nadal, pratiquent des rituels très particuliers avant de jouer. Nadal aligne les étiquettes de ses bouteilles d’eau avant de rencontrer son adversaire, et attribue une grande partie de son succès à ce comportement avant la partie. Ce que les études ont révélé, c’est que le pouvoir du rituel est bien réel. Les rituels aident les athlètes à se concentrer uniquement sur le jeu et à visualiser la victoire. Ils modifient également la physiologie de l’athlète : en le détendant et en relâchant son corps afin que l’adrénaline ne prennent pas le dessus et pour pouvoir concentrer son énergie.
Les rituels améliorent la performance, et ça n’est pas réservé aux sportifs. Les rituels peuvent nous aider dans nos finances. Ils peuvent également réunir les familles à ce propos.
Qu’est-ce qu’un rituel et comment mettre son pouvoir au service de la famille ?
Un rituel est un ensemble d’actions que nous effectuons à des moments précis, d’une manière très précise et intentionnelle. Les rituels familiaux impliquent en principe au moins deux de ses membres et sont enracinés au cœur de l’identité de la famille. Ils peuvent inclure des célébrations (les remises de diplôme par exemple), des traditions (des vacances en camping par exemple) et des interactions récurrentes (le dîner du dimanche par exemple).
Les avantages des rituels dans la famille sont nombreux : ils guident le comportement des enfants, constituent un contexte émotionnel favorable à l’apprentissage et au développement, et contribuent à la stabilité familiale, en particulier en période de crise.
Les familles peuvent amplifier les effets de rituels déjà en place, en donnant aux enfants des rôles spéciaux : une activité individuelle particulière ou une contribution de leur part à la célébration ou à la tradition. Par exemple, ils pourraient être affectés à la fabrication d’œuvres d’art pour marquer une occasion ou préparer un aliment ou une boisson simple pour le repas. Sentir qu’il joue un rôle central dans les rituels familiaux participe au développement et favorise l’autonomie de l’enfant. Il sait qu’il a un rôle à jouer, qu’il a la possibilité de le jouer et le perfectionner, et donc, cela renforce la confiance en soi2.
Construire des rituels familiaux autour de l’argent
Quant aux rituels financiers, leur magie opère sur plusieurs fronts. Les rituels d’argent aident les enfants à bâtir un vocabulaire financier, à apprendre ce qu’est l’administration des finances à normaliser la façon de parler d’argent, dans les bons et les mauvais moments. Si des difficultés financières surviennent, les rituels d’argent d’une famille lui servent de point d’ancrage et « allègent le fardeau du changement » 3 en rassemblant la famille.
L’éducatrice néo-zélandaise Karen Tui Boyes suggère des points de départ intelligents4 pour construire des rituels familiaux autour de l’argent, dont deux sont au cœur de l’économie comportementale :
- Établir des défis familiaux autour de l’argent : définir un défi que toute la famille doit relever comme « Les jeudis sans dépenser ». Planifier des actions ou une cérémonie à effectuer la veille et le lendemain du défi. Par exemple, la veille du défi, la famille se réunit et décide si certaines nécessités sont exemptées du défi (payer une facture de services publics par exemple) ou si l’on doit prendre des mesures pour éviter les dépenses (par exemple, papa ira au travail à vélo au lieu de payer le métro). Dans le même sens, le lendemain du défi, la famille peut tenir un journal qui suit la façon dont la famille s’en est tirée chaque semaine. Enfin, pour tirer au mieux parti de ce rituel, la famille peut attribuer des rôles à ses différents membres : le plus jeune enfant peut tenir le journal des défis et un autre membre de la famille peut être sélectionné au hasard pour définir le défi de la semaine suivante.
- Célébrer les actes d’épargne (même les petits) : créez un ensemble précis d’actions pour célébrer les moments où la famille choisit de ne pas dépenser ou trouve un moyen d’économiser de l’argent. Il peut s’agir d’une petite danse, d’une poignée de main spéciale ou d’une série de mots codés que seule la famille connaît : quelque chose qui peut s’échanger discrètement en public et exprimé haut et fort à la maison.
Pourquoi cela fonctionne : certains comportements financiers comme l’épargne passent facilement inaperçus et sont souvent négligés alors qu’ils devraient être célébrés. Cela est dû en partie au fait que d’autres comportements sur le même sujet prennent toute la place. Prenons les dépenses par exemple, on obtient souvent beaucoup de reconnaissance quand on achète quelque chose et vice-versa : une nouvelle veste, une voiture luxueuse par exemple. Les rituels autour de l’épargne peuvent aider les familles à aller plus loin.
En somme, il existe de nombreuses possibilités d’intégrer des rituels d’argent dans la vie de famille : que ce soit dans les efforts qu’une famille déploie et les célébrations pour un achat après une épargne de longue haleine, ou dans sa façon de planifier en commun les dépenses de la semaine. À partir de là, les rituels peuvent participer aux comportements familiaux entourant l’argent et être pour les enfants une occasion de développer leur propre réflexion et de faire leurs armes sur le sujet.
1 Schippers, M.C. & van Lange, P.A.M. (2006). The psychological benefits of superstitious rituals in top sport: A study among top sportspersons. Journal of Applied Social Psychology, 36(10), 2532–2553.
2 Spagnola, M. & Fiese, B.H. (2007). Family routines and rituals. A context for development in the lives of young children. Infants & Young Children, 20(4), 284-299.
3 Spagnola, M. & Fiese, B.H. (2007). Family routines and rituals. A context for development in the lives of young children. Infants & Young Children, 20(4), 284-299.
4 Boyes, K.R. (2023). 5 Family Money Rituals. Teachers Matter Magazine, 56; https://issuu.com/karenboyes/docs/tm56_-_web/s/18268829
Michelle Hilscher, vice-présidente, Stratégie à BEworks, est titulaire d’un doctorat en sciences cognitives de l’Université de Toronto. Dans son rôle, Michelle codige le portefeuille mondial de services financiers et aide les clients à appliquer la science du comportement pour résoudre des défis allant de l’amélioration de la gestion de la dette et de la lutte contre la fraude à l’amélioration du bien-être financier des clients. Michelle a été conférencière invitée lors d’événements coordonnés par l’OCDE, la Fondation Gates, l’American Bar Association, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario et l’Association canadienne pour la gestion de portefeuille. Avant BEworks, Michelle a conseillé des investisseurs institutionnels sur la façon d’améliorer la gouvernance et la prise de décision de groupe.
