Pensez-vous souvent à améliorer votre situation financière ? Si vous êtes comme la plupart des gens, la réponse est sans doute « Oui ». On souhaite avoir davantage d’argent pour profiter de nouvelles expériences et réaliser d’autres souhaits, en faisant souvent des sacrifices sur d’autres aspects de la vie (sur le sommeil, le temps consacré à nos proche) afin d’améliorer notre santé financière.
Tout autant que l’argent peut nous attirer, il semble que nous ayons aussi une tendance à le fuir. On peut éviter de prendre certaines mesures susceptibles d’améliorer notre bien-être financier, ou même, éviter complètement de consulter nos finances. Cela pose une question intéressante : Si l’argent est un élément motivant, pourquoi sommes-nous parfois récalcitrants à nous occuper de nos propres affaires financières ?
L’argent suscite du stress
La première raison de l’évitement de nos propres affaires financières est l’inconfort que provoque le fait de penser à l’argent La crainte de ne pas répondre aux obligations financières ou de ne pas épargner suffisamment pour l’avenir peut être extrêmement stressante. En fait, un sondage récent a révélé que les finances étaient citées comme l’élément de notre vie le plus anxiogène pour 40 pour cent des Canadiens, plus que le stress pour des raisons de santé, professionnelles ou relationnelles.
En cas de pensées stressantes, l’une des réactions possibles consiste à se convaincre qu’elles n’existent pas. Ce comportement n’est pas circonscrit à l’aspect financier. Par exemple, la gestion du poids passe chez certains par le fait de ne pas monter sur un pèse-personne, en considérant cet objet comme un ennemi à vie. De la même façon, certaines personnes peuvent ressentir des symptômes susceptibles de masquer un problème de santé grave, mais refuser de voir un médecin. En matière de prise de décision financière, les chercheurs ont constaté que les gens tendent à éviter de consulter leur portefeuille de placement pendant les ralentissements du marché2. Ce biais cognitif, qu’on appelle également la « politique de l’autruche », partant de la fausse croyance que les autruches enterraient leur tête sous le sable en cas de danger.
D’un autre côté on peut répondre à des pensées stressantes en les remplaçant par des pensées plus réconfortantes. Cette technique, appelée « restructuration mentale », peut être efficace pour déconstruire les craintes irrationnelles. En revanche, cela peut également conduire à une sous-estimation des dangers réels. Par exemple, si l’on vit au-dessus de ses moyens, on peut arriver à se convaincre que quelque chose va survenir pour renverser la situation ou attribuer nos problèmes financiers à des facteurs externes (comme la situation économique) plutôt que remettre en question notre propre comportement. Ce biais d’optimisme a été associé à une prise de décision sous-optimale ; par exemple, les investisseurs trop optimistes ont de plus fortes probabilités de trouver un conseil financier intéressant.
En conclusion, le biais d’optimisme et le principe de l’autruche peuvent nous protéger temporairement des pensées désagréables, mais ne les éliminent pas.
L’argent est complexe
Vous préféreriez avoir un million de dollars tout de suite ou un sou magique qui double chaque jour pendant 30 jours ? Même si un sou aujourd’hui ne semble pas une forte somme, ses propriétés magiques rapporteraient plus de 5 millions de dollars d’ici le 30e jour. Cet exemple classique montre que l’amélioration de notre situation financière implique souvent des décisions pouvant sembler contre-intuitives au premier abord.
Même si nous comprenons les bases de concepts tels que l’intérêt composé et la croissance exponentielle, nous avons souvent du mal à réaliser que le moindre taux d’intérêt peut avoir des effets substantiels sur les gains à long terme. Quelques points de pourcentage sur le rendement financier peuvent nous sembler dérisoires. De même, nous pourrions ignorer les taux d’intérêt exorbitants d’une nouvelle carte de crédit offrant une prime séduisante à l’ouverture, simplement parce que nous n’en comprenons pas pleinement les conséquences.
Le sou magique illustre également que l’amélioration de notre situation financière demande patience et maîtrise de soi, des caractéristiques dont le commun des mortels n’est pas particulièrement équipé. Le célèbre « test de la guimauve », lors duquel on propose à des enfants de recevoir immédiatement une friandise ou d’attendre seulement quelques minutes pour recevoir une friandise supplémentaire, a été l’objet de nombreuses études à propos de la gratification retardée et de son incidence sur les divers aspects de la vie, y compris l’aspect financier.
En résumé, notre attitude à l’égard des questions financières procède d’un équilibre délicat entre désir et méfiance. Même si les récompenses éventuelles qu’on peut en tirer nous attirent, on a aussi tendance à éluder nos propres affaires financières, car elles peuvent susciter du stress et impliquer des décisions complexes et souvent contre-intuitives.
Références :
- Indice 2023 de stress financier au Canada du FP. 15 juin 2023. https://www.fpcanada.ca/planners/2023-financial-stress-index
- Karlsson, N.; Loewenstein, G.; Seppi, D. (2009). The ostrich effect: Selective attention to information. J ournal of Risk and uncertainty, 38, 95-115.
- Galai, D. Sade, O. (2006). The “ostrich effect” and the relationship between the liquidity and the yields of financial assets. The Journal of Business, 79(5), 2741-2759.
- Lewis, D. R. (2018). The perils of overconfidence: Why many consumers fail to seek advice when they really should. Journal of Financial Services Marketing, 23,
Youval est associé au sein de la firme de recherche comportementale BEworks. Passionné par le fait d’aider les individus à mener une vie plus significative, son travail comprend la promotion de modes de vie durables, l’amélioration de la prise de décisions financières et la promotion de l’engagement communautaire. Youval est titulaire d’un doctorat et d’une maîtrise en psychologie expérimentale de l’Université de Toronto et d’un baccalauréat en psychologie de l’Université Columbia.